Quod avec Joe McPhee à l'En Cours

1ère Partie

2ème Partie
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Joe McPhee' Survival Unit III : McPhee (as, tp de poche, voc), Fred Lonberg-Holm (cello, électro), Michael Zerang (dm). Montreuil, les Instants Chavirés, 7 rue Richard Lenoir (M° Robespierre), 26 octobre.

Quod : Sylvain Guérineau (ts), Jean-Marc Foussat (synthé) + Joe McPhee (as). Paris 20ème, l’Espace en cours, 56 rue de La Réunion (M° Alexandre Dumas), 27 octobre.

Si, de Joe McPhee, nous connaissions le remarquable multi-instrumentisme (saxophones, trompettes, trombone…) et la discographie en expansion-diversification effrénée (de “Nation Time” en 1970 aux associations avec Giuffre en passant par toutes sortes de rencontres et “projets” pas forcément prévisibles – le jeudi 28, il devait retrouver en Norvège le “Chicago Tentet”), l’occasion qui nous était offerte était plus exceptionnelle qui allait nous permettre d’assister à deux manifestations, fort différentes, de son prodigieux esprit d’ouverture, de cette compréhension et de ce désir musicien insatiables et exquisément créatifs inhérents à son itinéraire. Encore une fois, non deux fois, le choix de ses partenaires en ont témoigné, et aussi son écoute active de leurs discours, qu’il s’agisse du violoncelle au lyrisme énergique et polymorphe de Fred Lonberg-Holm, du drumming de Michael Zerang, rythmiquement impeccable mais au riche “cantabile” digne de certains virtuoses des tablas (au spectacle de ce trio, on se prenait à penser à quelque circulation triangulaire des joueurs de ragas), ou, plus exceptionnels et inédits en public, de ses échanges avec le ténor roboratif et précisément jusqu’auboutiste de Sylvain Guérineau et de leur rapport (d’indépendance dans l’interdépendance) avec les provocations, relances et autres ornementations de l’électroniste Foussat. Aussi, ici et là (le mardi aux mieux nommés que jamais Instants Chavirés et le mercredi à l’Espace “en cours”), cette magistrale gestion des silences dont on ne sait si elle participe de quelque télépathie de l’accident qu’il y a à jouer-vivre ou d’un rythme respiratoire. Inévitable effet de mémoire, la relation entre les souffles et chants de McPhee et certaines interventions électroniques (de Lonber-Holm mais surtout des synthé de Jean-Marc Foussat) n’étaient pas sans évoquer l’ancien dialogue sax-électronique du saxophoniste de Poughkeepsie (bien que natif de Miami) avec John Snyder pour le programmatique “Les Héros sont fatigués” (in “Pieces of Life”, 1974). Quant au duo parisien ténor-alto, loin des historiques “Chase” et autres courses-poursuites, il se développait en rare intelligence et n’atteignait un paroxysme qu’au terme d’une réjouissante logique, fouettée, suscitée, par les banderilles électroniques. Jadis, McPhee lançait à son public la question « What Time is it ? » à quoi celui-ci répondait d’un unanime « It’s Nation Time ! » ; aujourd’hui, en prélude à un épisode en trio, il clame son poème dédié aux « beggars », comme si les zones de combat s’étaient déplacées mais n’étaient pas moins à vif. Jusqu’à un chant instrumental comme chuchoté et/ou tapoté dans l’embouchure de sa pocket trumpet ou ce souffle mélodiquement dessiné par le bruit des clés du saxophone qui pouvait rappeler les silences modulés d’une clarinette giuffrienne… Reste à espérer que McPhee puisse revenir à Paris , le 1er décembre au Sunset, comme il nous l’a laissé espérer.

Philippe Carles